Le chevreau a une valeur: nous devons à tout prix la préserver

Comme vous le savez, la crise de débouchés du chevreau du printemps 2020 causée par la situation sanitaire liée au Covid-19 a révélé la grande fragilité de la filière chevreau, trop dépendante de l’export intra UE et marquée par une ultra-concentration des outils d’abattage et en moindre mesure d’engraissement. Nous en avons payé les conséquences avec 2 campagnes de chevreau catastrophiques en ce qui concerne le prix du chevreau naissant.

Pour accélérer la consommation des stocks de chevreau congelé, nous avons à l’ANICAP débloqué en 2021 une enveloppe financière pour cofinancer avec Interbev caprins des actions de promotion exceptionnelles. Ce soutien financier vient s’ajouter au 1,2 million d’euros octroyés par l’Etat pour aider les abatteurs à compenser les coûts liés à ces surstocks.

Aujourd’hui, après Pâques 2022, la situation de l’aval est assainie : il n’y a plus de stock et les demandes des acheteurs sont en hausse. Si ce n’était pas par le niveau de prix de la poudre de lait d’engraissement, la situation globale de la filière aurait pu tout à fait revenir à la normale. C’est ce contexte inflationniste du prix de la poudre qui amène les abatteurs et les engraisseurs à solliciter de nouveau la filière laitière pour un soutien financier, notamment pour les engraisseurs.

Or les éleveurs laitiers n’ont jamais autant perdu, en ce qui concerne la valorisation du chevreau, que depuis le début de la crise Covid. Les chevreaux ont connu des baisses de prix allant jusqu’à 80%, et encore aujourd’hui en 2022 ils partent des fermes à 1 ou 2 €. Cela est bien loin de satisfaire les éleveurs, quoiqu’en disent certains représentants caprins prônant qu’il est plus simple de « se débarrasser des chevreaux gratuitement » ou de faire payer « le lait » pour les ramasser. Pour nous ce sont des propos inacceptables et irresponsables.

Ce n’est clairement pas la direction que nous souhaitons prendre pour l’élevage caprin français pour des raisons économiques, éthiques et de raison d’être même de l’élevage. Si les abatteurs ont trop de chevreaux et les engraisseurs menacent de ne plus continuer leur activité faute de rentabilité, c’est aux éleveurs de trouver des alternatives pour préserver la valeur du chevreau. Car quand bien même il s’agit d’une viande issue du troupeau laitier, c’est l’éleveur qui est responsable de son système d’élevage et de ses débouchés, et non pas sa laiterie ou ses clients.

Le chevreau a un marché et a une valeur et pour la préserver nous avons mis en œuvre une stratégie ambitieuse dans laquelle nous comptons amener tous les éleveurs. Nous n’avons jamais dit que c’était facile, mais nous sommes plus que jamais convaincus que c’est le moyen de préserver la valeur du chevreau :

  1. Diminuer le nombre de chevreaux entrant dans le circuit monopolistique d’abattage, en ayant recours aux lactations longues maîtrisées
  2. Pour ceux qui le peuvent, adapter les dates de mise à la reproduction pour être en capacité de maitriser la valorisation des chevreaux (en fonction de la main d’œuvre et des surfaces de bâtiments disponibles)
  3. Développer l’engraissement des chevreaux à la ferme pour réduire la dépendance aux ateliers d’engraissement, de moins en moins nombreux, et pour ramener de la valorisation dans l’élevage. Nous continuons les travaux du CASDAR ValCabri pour apporter des références et conseils aux éleveurs qui engraissent à nouveau leurs chevreaux
  4. Développer les débouchés alternatifs en circuits courts, en travaillant sur toutes les possibilités d’abattage en dehors des 3 abattoirs spécialisés. La question du maintien d’un maillage d’outils d’abattage de proximité est cruciale pour pouvoir développer ces alternatives et nous allons redoubler d’efforts sur ce dossier
  5. Continuer d’œuvrer à Interbev caprins pour diversifier l’offre et développer la découpe du chevreau pour mieux répondre aux attentes des consommateurs français, afin de développer le marché intérieur en viande fraîche, plus valorisant, et réduire la dépendance aux marchés à l’export et de congelé. Aujourd’hui, à la lumière des résultats de ValCabri, il nous semble contraire au bon sens de ne proposer dans les rayons que les morceaux les moins appréciés des consommateurs (quart ou demi-chevreau en barquette).

C’est bien un ensemble d’actions, avec des efforts partagés par tous les maillons qui remettra la filière chevreau sur les rails. La demande des engraisseurs et abatteurs qui est faite à la filière laitière de payer pour nous débarrasser des chevreaux nous semble donc irresponsable, irrespectueuse et illégitime et nous l’avons fait savoir. Ce n’est clairement pas cette voie qui peut sauver la filière, au contraire, elle la fera sombrer définitivement avec un chevreau qui ne vaudra plus rien en élevage, un maillon engraisseur en permanence fragilisé et un prix de vente du chevreau toujours plus bas.

 Nous sommes prêts à renouveler un soutien financier de l’ANICAP pour le cofinancement de la promotion du chevreau pour accompagner le plan stratégique défini au sein d’Interbev caprins, mais attendons d’abord des abatteurs et engraisseurs un engagement à agir sans ambigüité pour redonner de la valeur au chevreau naissant.

Stratégie FNEC chevreau

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